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Le blog  Aimons les Comores de SAID IBRAHIM

Les « Je viens », un maillon essentiel de la société comorienne

5 Juillet 2009 , Rédigé par aimons les comores

Les « Je viens », un maillon essentiel de la société comorienne
Parmi les victimes du crash de mardi, un grand nombre étaient ce qu'on appelle aux Comores des « Je viens », ces Comoriens vivant en France qui jouent un rôle essentiel au pays, tant au niveau de l'économie du pays que de l'imaginaire collectif.

Combien étaient-ils ces « Je viens » dans cet avion ? Beaucoup, à n'en pas douter. La période des grandes vacances est en effet l'occasion, chaque année, de rentrer au pays pour les Comoriens vivant en France, des plus anciens qui ont y gardé femme et maison, aux plus jeunes qui n'y ont jamais mis les pieds avant leur adolescence et qui n'ont pas grand-chose à voir avec « le bled », comme ils l'appellent. Synonymes de la période des festivités et des grands mariages, ils « arrivent avec des malles pleines de nourriture, même les boîtes de lait, qui pourtant sont moins chères ici... Et quand ils repartent, ils laissent tout ce qui, avec le riz distribué aux familles, leur permet de continuer un certain temps » indiquait dans les colonnes de Kashkazi, en 2006, le syndicaliste Ibouroi Ali Tabibou.

A l'image de Tabibou, ils sont de plus en plus nombreux à dénoncer les conséquences perverses d'une telle importance : « On a besoin d'un pantalon, d'une pièce détachée pour la voiture, d'un ordinateur ? On passe un coup de fil. C'est un apport important, mais en même temps ça tue toute la structure informelle et artisanale. On avait des couturiers, des tailleurs... maintenant, leur activité ne fait que baisser. Même nous les fonctionnaires, nous dépendons totalement d'eux, puisque nous ne sommes pas payés. On a de grandes maisons construites mais fermées.

Certains villages n'ont plus d'hommes, plus de jeunes. Alors, même ceux qui n'ont personne à l'extérieur doivent se faire des liens très forts avec des gens originaires du village qui pourront les aider ». « Les gens qui sont ici ne veulent pas travailler », observait à la même époque Bacar Ahmed. « On a des jeunes qui traînent, qui ne vont même pas à l'école parce qu'ils savent qu'un jour quoiqu'il arrive ils recevront un pantalon ou ils partiront... Certains se disent : pourquoi travailler si on me donne de quoi survivre ? »Pauvres en exil.

« L'impact économique n'est pas le plus grand. C'est l'impact culturel qui est grave », ajoutait un jeune militant de l'association Ngo shawo. « Ici être un “je viens”, c'est comme si tu es cultivé, comme si tu détiens le savoir. Le « Je viens », c'est la personne la plus respectée. Celui qui est écouté, ce n'est plus le père, l'aîné, mais le Monsieur ou la Madame je viens », explique Mohamed, un habitant de Moroni. Malgré les rancœurs qu'ils provoquent chez ceux « qui sont restés », notamment les jeunes jaloux de leur succès auprès des filles, les « Je viens » bénéficient, en retour de leur « investissement », d'une grande cote. Ils en usent... et en abusent. « Tirés à quatre épingles, ces prototypes de la mutation culturelle affichent leur différence et leur adhésion au mode de vie occidental », indiquait Kashkazi.

Un comportement souvent stigmatisé par les anciens... et bien peu représentatif de leur situation réelle. Car malgré leur comportement de flambeurs au pays, les « Je viens » vivent bien souvent dans la dèche en France. « Des gens qui ne sont jamais entrés dans une parfumerie, quand ils débarquent ici, ils achètent un parfum à 50 euros. Des gens qui n'ont jamais mangé ne serait-ce qu'au Mac Do mangent à l'hôtel Le Moroni... », raille un Moronien. Pauvres en exil, ils représentent la réussite au pays, au prix d'innombrables sacrifices.
L.G.

COMMENTAIRE: Les « Je viens » : aucune étude sérieuse n'a été menée sur leur compte. Tout juste sait-on que la diaspora comorienne verse chaque année autour de 20 milliards de francs comoriens (40 millions d'euros) dans l'économie nationale, soit plus du tiers du budget national et 15% du PIB. Mais une chose est sûre : leur impact est essentiel. Chaque mois de juin, juillet et août, leur arrivée dans les familles est autant une fête qu'un soulagement. Car ils ne représentent pas seulement un parent qui revient au foyer quelques semaines durant ; ils sont aussi, pour nombre de Comoriens, une source de revenus qu'ils espèrent « inépuisable ». « C'est notre RMI à nous », rigole un jeune habitant de Moroni, à l'image de cette famille dont les deux parents ne travaillent pas, mais qui payent l'écolage de leurs trois enfants grâce aux subsides envoyés depuis la France par les frères et sœurs.
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