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Le blog  Aimons les Comores de SAID IBRAHIM

Entre coups d'État et confiscations du pouvoir: les raisons de l'instabilité politique en Afrique.

2 Janvier 2011 , Rédigé par aimons les comores

Entre coups d’État et confiscations du pouvoir: les raisons de l’instabilité politique en Afrique.
On dirait qu'en Afrique, l'instabilité politique relève de la normale. Les coups d'État, et les confiscations de pouvoir ont été tellement fréquents que la banalisation s'en est suivie. Si cette situation peut avoir des explications historiques, la machine infernale de la mondialisation et ses corollaires, et la démocratisation forcée du continent peuvent être considérés comme les nouvelles causes des crises cycliques qui secouent le continent.

En cinquante ans, plus d'une centaine de coups d'État ont été perpétrés en Afrique. Avec des soubassements aussi bien endogènes qu'exogènes, le nombre croissant de coups d'État semble installer le continent dans une instabilité chronique. Si le dénominateur commun des crises est la conquête ou la confiscation du pouvoir, des combinaisons passées, présentes, et plurielles concourent à la déstabilisation du continent. Après 1960, les souverainetés « accordées » n'ont pas véritablement permis aux formations sociales Africaines de poser les fondements d'États modernes et forts . Les souverainetés textuelles et juridiques n'ont jamais été accompagnées d'indépendance politique et économique totale. La preuve la plus flagrante est qu'on pouvait retrouvait dans certains gouvernements de ces nouveaux États, des cadres de la haute administration ou tout simplement des ministres originaires de l'ancienne métropole. Un constat qui fait remarquer que l'indépendance n'est que de nom. Les anciennes puissances ont toujours continué à influencer la vie politique et à orienter le choix économique de ces nouveaux États. Avec la complicité des nouvelles élites, les occidentaux ont toujours une marge de manœuvre et agissent selon leurs convenances et leur intérêt exclusif. Une situation qui inspire remous et ressentiments chez les masses populaires qui avaient revendiqué et placé un grand espoir en l'indépendance de l'Afrique. Ce fourvoiement des élites locales au lendemain des indépendances, jugé comme trahison chez les populations reste la première rupture. Il est l'une des causes principales qui ont conduit à de nombreuses crises politiques répétitives un peu partout dans le continent; les dictatures, les régimes autoritaires et les tentatives de renversement des régimes.

Mais, la source primaire de la fragilité et de l'instabilité des États date de la conférence de Berlin. S'il y a un fait qui demeure l'éternelle problématique du continent, c'est bien le tracé arbitraire des frontières. De mêmes peuples divisés à leur insu et sans leur consentement essaient de contourner les États pour se rassembler. Par contre le caractère juridique de l'inviolabilité et de l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation, consacré par la défunte OUA et réaffirmé par l'Union Africaine est leur obstacle majeur. Faute de pouvoir faire sécession, certaines populations africaines contestent et défient l'autorité de leur gouvernement en se lançant dans une rébellion sans nom pouvant déstabiliser les régimes en place. Les pays Africains subissent lourdement leur géographie pour parler comme le chancelier Bismarck. Si pour déstabiliser ou commettre un coup d'État la bénédiction de l'État frontalier est souvent requise, aucun pays africain ne peut avoir de stabilité sans la bonne volonté et l'implication des ses voisins immédiats. Des grands lacs à l'Afrique de l'Ouest, les différents conflits le démontrent.

En dehors des circonstances géographiques, l'incurie et le manque de vision des dirigeants actuels contribuent largement à l'instabilité politique du continent. Ses élites nouvelles peuvent avoir fréquenté les grandes écoles et instituts de l'Occident, être bardées de toutes les qualifications et diplômes imaginables, une fois au pouvoir, elles se lancent dans des entreprises contraires aux projets pour lesquels elles ont été portées au pouvoir. Les nouvelles crises politiques qui secouent le continent différent des anciennes aussi de par la pluralité des acteurs et de par le contexte. La mondialisation et la libéralisation des échanges ont conduit en Afrique à de profondes mutations politiques et à une déconfiture des structures sociales. La lutte pour le contrôle des ressources naturelles et des matières premières transforme les multinationales en pyromanes qui vont jusqu'à armer des groupes rebelles. Le monopole de la violence légitime échappe à l'État qui s'affaiblit ou s'efface tout court pour satisfaire aux exigences du modèle dominant. Les différentes conditionnalités imposées par les politiques d'ajustement structurels ont tellement paupérisé les populations que les classes moyennes n'existent plus en Afrique. Le plus révoltant est l'écart visible entre les pauvres et les riches. Ceux-ci narguent avec condescendance ceux-là et s'accommodent des comportements dignes de Rastignac. Ces nouveaux riches sont les bénéficiaires et acteurs du capitalisme d'État où les marchés de gré à gré sont la norme des échanges. Certains dirigeants sont justes réduits à de simples courtiers où intermédiaires par les investisseurs étrangers pendant que la précarité reste la chose la mieux partagée dans l'armée et chez les fonctionnaires. Partant, une tension du climat social reste palpable. D'ailleurs, certains putschistes, une fois au pouvoir mettent l'accent sur la valorisation de l'armée et sur un meilleur traitement des fonctionnaires pour asseoir leur légitimité. Les discours des tombeurs d'Ange Felix Patassé en 2003 (Centrafrique), de Sidi Ould Cheikh Abdallah en 2005 (Mauritanie) où récemment ceux d'Amadou Tandja (Niger) le confirment.

Enfin, la démocratisation forcée et imposée de l'extérieur ressemble plus à un médicament fatal qu'à autre chose. Elle a provoqué plus de problèmes qu'elle en a réglés. Sans moyens, les pays africains ne sont pas capables de voir l'horizon démocratique. Mais comme les investissements des bailleurs de fonds sont liés aux progrès démocratiques, les Etats font semblant. La séparation des pouvoirs qui est l'abécédaire de la démocratie pourtant n'est que pure illusion. Les forfaits qui permettent la confiscation du pouvoir sont possibles surtout grâce à la complicité des magistrats cooptés pour les besoins légaux de la cause et à une certaine société civile à la solde de l'exécutif. Ainsi, l'instabilité politique en Afrique demeure irréversible.

La fin des crises passe immanquablement par la redéfinition de la géopolitique continentale. La politique devrait être repensée avec l'avènement d'une nouvelle classe dirigeante, décomplexée et soucieuse des aspirations populaires. Enfin, une stabilité politique de l'Afrique exige une coopération respectueuse, solidaire et honnête avec les occidentaux. Les Africains doivent prendre leurs responsabilités pour écrire leur propre histoire politique sans ingérence ni influence. Seul ce choix responsable va leur permettre non seulement de se renforcer en termes de possibilités et d'outils, mais de jouer une belle partition respectable et respectée au sein du système. Les règles de la mondialisation ne doivent en aucunes façons être un alibi pour nier les identités et partant maintenir les Africains dans une paupérisation indécente, et indigne des temps actuels et entretenir les germes d'une éternelle instabilité.

CHEIKH SECK

source : kepaa
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