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Le blog  Aimons les Comores de SAID IBRAHIM

Nos prisonniers sont avant tout des êtres humains

9 Octobre 2013 , Rédigé par Aimons les Comores

La jeune journaliste d’Al Watwan, Faiza Soule Youssouf a publié dans le numéro de ce quotidien d’Etat en date du 8 octobre 2013, un éclairage poignant sur les conditions de vie, notamment des femmes,dans la maison d’arrêt  de Moroni. « En prison, tu dois t’adapter ou mourir » tel est le titre de cet article qui a valu à cette jeune journaliste, une interrogation musclée à la chancellerie.  

 

 

Pour rendre hommage au travail remarquable fait par cette journaliste, nous reprenons les billets publiés dans ce blog au mois d’aout 2009 pour confirmer les informations contenus dans  l’article de Faiza soulé. En effet, dans le cadre de l’élaboration d’un projet d’appui au renforcement de l'efficacité de la justice et au respect des droits humains, qui etait financé par le Fonds pour la consolidation de la paix des Nations Unies, nous avions eu l’occasion de visiter, au terme d’une réunion présidée par le Ministre de la Justice de l’Union de l’époque, la maison d’arrêt de Moroni, le 17 aout 2009. Par la suite nous avions visité la maison d'arrêt de Koki à Anjouan.  

 

La maison d' arrêt de Moroni,  située à Moroni, a été construite à l’époque coloniale et se trouve dans un état de délabrement avancé. A l’époque, selon le Procureur de la République, il y avait 150 détenus (hommes, femmes et mineurs). Les détenus étaient répartis et entassées dans deux quartiers situés côte à côte et dotés d’entrées distinctes. Les conditions de vie de cette maison d’arrêt étaient et demeurent inhumaines et doivent interpréter la conscience de chacun d’ entre nous. Comment notre société peut-elle accepter que des êtres humains soient réduits à l’état sauvage par ce qu’ils ont juste le malheur d’avoir été incarcéré.  Au cours de cette visite, nous sommes passé dans le quartier « VIP » ou étaient incarcérés à l’époque, les responsables de l’île autonome de Ngazidja. Ces dirigeants dormaient à même le sol dans un local d’à peine 16 m2 et faisaient leurs besoins le soir dans un petit sceau placé à l’entrée. A la sortie nous avions croisé un des commissaires de l’île qui était hospitalisé depuis une semaine. Il nous avait fait savoir que suite à des pressions politiques on lui a fait sortir de l’hôpital contre la volonté des médecins pour lui faire revenir en prison.

 

Pour ceux qui ne connaissent pas cette maison d’arrêt, nous vous faisons une brève présentation de la bâtisse qui date de la période coloniale. Elle est située à Moroni à côté du camp de la gendarmerie à l’entrée du quartier de Dawedju. Depuis plusieurs années, les taches de gardiennage de cet bâtiment vétuste sont assurées par une société privée SECURICOM. Cette société, assure la surveillance de la maison d’arrêt 24h sur 24. Elle a un contrat avec le Ministère de la Justice. La responsabilité de la maison d’arrêt est assurée par un Gardien en chef assisté d’agents pénitentiaires recrutés au sein de la police.La Maison d’arrêt comporte deux quartiers situés côte à côte et dotés de deux entrées distinctes. Le premier quartier est réservé aux détenus dangereux condamnés pour crimes ou délits. Il comporte trois chambres repartis entre les personnes âgées et des jeunes dont quelques mineurs, mélangés avec des adultes. A l’entrée de ce quartier se trouvent les cachots exigus à l’odeur nauséabonde qui ne disposent pas de fenêtres. Ce quartier comporte deux « toilettes ». Plusieurs détenus utilisent des sachets en plasctic pour faire leurs besoins le soir et ces sachets sont empilés dans un coin qui jouxte l’unique espace des jeux de la maison d’arrêt. L’autre quartier comporte les détenus les moins dangereux avec à l’intérieur de la cour une mosquée construite récemment. Juste à côté, avec une entrée distincte, un petit local qui sert de cellule pour les détenus VIP. Au bout de la prison, se trouve le quartier pour femme qui comporte une seule pièce et des toilettes non éclairées. Tous ces bâtiments sont en état de délabrement total avec des fuites d’eau partout qui fragilisent les fondations et les toitures de ces bâtiments construits avec de la chaux et du sable de mer. La maison d'arrêt ne dispose pas de parloir. Les détenus se tiennent debout à l'entrée des quartiers, derrières les grillages pour les visites rituelles. 


Cette maison d’arrêt, communément baptisée « Le Moroni 2 » en référence à cet hôtel de référence de la capitale, est indigne de la République. C’est une honte pour notre pays, une insulte pour notre conscience et notre foi. Nos dirigeants doivent avoir le courage d’engager très rapidement des travaux de réfection pour éviter la deshumanisation et la mort lente de nos détenus.

 

Nous mangeons des ailes de poulet avariées, nous sommes victimes de viol, nous ne disposons d’aucune structure de réinsertion, nous sommes malades…tels sont en résumé les propos entendus au sein de la maison d’arrêt de Moroni le 17 août 2009. Ces propos sont essentiellement tenus par des prisonniers qui certes reconnaissent leurs tords mais demandent qu’on leur accorde une autre chance pour leur insertion. La population carcérale de Moroni est essentiellement jeune et masculine. 


Un ami magistrat, ancien Procureur Général nous a confié que les juges d’instruction visitent rarement les prisons et il est persuadé qu’ils n’enverraient personne dans ces prisons s’ils découvrent les conditions dans lesquelles, les détenus sont incarcérés. Ces derniers sont entassés par dizaine sur des locaux non aérés et dorment á même le sol. Notre visite du mois d'août 2009 a été une occasion pour les détenus de se livrer et de soumettre leurs doléances. Ils ont insisté sur leurs conditions d’hygiène déplorables et les maladies qui se développent au sein des détenus. Ils nous ont montré un jeune malade enveloppé dans son drap entrain d’agoniser faute de soins médicaux. Des fortes convulsions le secouaient tous les 10 minutes et nécessitaient l’intervenions de plusieurs détenus pour le maitriser. Sa famille contactée pour le soigner ne s’était pas manifestée. Un jeune nous avait  montré son corps et ses parties intimes dévorés par une étrange maladie de la peau. Dans nos prisons, l’alimentation et les soins des détenus sont à la charge des familles. D’ailleurs, notre visite a coïncidé avec l’heure de la prise de l’unique repas quotidien, le déjeuner, du riz et une sauce d’ailes de poulet, avariées selon certains détenus. Pour les plus chanceux d’entre eux, ils prennent le déjeuner livré par les familles.  Au mois de septembre 2011, un jeune detenu est mort dans cette maison d'arrêt à la suite d'une maladie.

 

En 2012,  quelques travaux de réhabilitation  ont été réaliséspar la Croix rouge et le Croissant rouge comorien en collaboration avec le ministère de la justice. Deuxsalles  ont été réhabilitées au profit des femmes et des filles.  La zone B de la maison d’arrêt a été aussi réhabilitée. Sa toiture en béton complètement dégradée a été recouverte de tôle. Le projet d'appui au renforcement de l'efficacité de la justice et au respect des droits humains mis en oeuvre par le Minstère de la justice et l'UNICEF a financé l'amenagement des quartiers pour mineur et femmes et un espace de jeux à la prison de Koki à Anjouan.



La visite des maisons d’arrêt de notre pays, nous a fait découvrir les conditions de vie difficiles de nos prisonniers, la violation grave de leurs droits elementaires et le délabrement total de ces prisons qui sont indignes de la République.  Il est du devoir de chacun et surtout du gouvernement  de contribuer à réhabiliter nos prisons et à améliorer les conditions de vie de nos détenus.

COMORES-DROIT

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